Gianni Candido nous encourage à poursuivre notre voyage intérieur

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C’est la premier fois que Gianni Candido expose au Luxembourg. Du 24 septembre au 24 octobre invité par Luc Schroder dans sa Galerie Mob-Art studio (à sa nouvelle adresse 19a Avenue de la Porte-Neuve à Luxembourg, à l’angle du Boulevard Royal) ”Elégie et Chants d’Aurore”,  exposition en grands formats, nous parle de la poésie lacustre du détail, de la microseconde et de la rencontre des éléments. Une série d’œuvres sur un fil ténu entre photographie et peinture, entre réalisme et abstraction. C’est une traversée, un moment suspendu, une parenthèse enchantée toute en adéquation avec le temps présent, un temps de réflexion.

Vernissage en présence de l’artiste ce mercredi 23 septembre 2020 de 18h00 à 21h00.

Nous l’avons interviewé.

Du journalisme et du cinéma aux arts visuels au marché international de l’art avec le commissaire Pierre Bergé. Qui est Gianni Candido?

Je suis né dans l’Ardenne belge d’un père italien (Abruzzes) et d’une mère belge. J’ai étudié la littérature, la philosophie et les sciences humaines et l’écriture dans mes études de journalisme puis l’univers de la narration au cinéma. J’ai ensuite approfondi l’usage de la lumière, de la composition, des rendus de texture et de couleurs durant une dizaine d’années pour les œuvres de mon projet BODYWORKS, utilisant le corps comme média abstrait pour exprimer différents messages. Parallèlement à ce travail, j’ai étudié différents courants philosophiques, qui m’ont amené à l’exploration de l’intériorité, de la perception et les dimensions plus subtiles de la réalité.

Les œuvres exposées pour la première fois chez MobArt mettent l’élément de l’eau à l’honneur. Elle servira de base pour entamer un questionnement sur notre identité, la notion de perception du monde, du changement dans le microcosme (l’être humain) et le macrocosme (le monde). Au travers de ces tableaux poétiques immersifs, l’observateur se connecte à sa propre nature et entamera -je l’espère- une réflexion plus vaste sur notre lien à la nature. Nous sommes à un tournant de l’évolution et l’homme ne peut plus se voir comme une entité indépendante sur une planète à exploiter pour ses ressources. La notion d’unité est omniprésente dans mon travail, et c’est le message que j’essaie d’exprimer à travers mes œuvres.

Dans quelle mesure ton coté italien influence-t-elle ton travail?

Beaucoup de mon travail produit en Italie et constitue en quelque sorte des hommages à mes racines italiennes et les lieux qui me sont chers : Rome, Venise, les Abruzzes. L’Italie à un magnétisme et un rayonnement culturel qui n’a pas fini d’émerveiller le monde. C’est une référence mondiale en termes d’histoire et de culture. Ma collection CHIAROSCURO rend hommage au maître italien Caravaggio pour son usage de de l’ombre, de la lumière et des ambiances.  Une autre de mes études italiennes VEDUTE, représente Venise de manière assez particulière, au travers des yeux d’un promeneur qui cherche le ciel dans les ruelles étroites de Venise.

Venise sera à l’honneur dans plusieurs des séries présentées à cette exposition. Ma collection INCONTRO, met en images la rencontre de la lagune et de Venise. Je mets en images l’histoire d’amour et de jeu de séduction entre l’eau et la ville. L’homme y est également présent -de manière suggérée- puisque les mouvements d’eau sont initiés par le passage des bateaux. La lagune est encore mise en scène dans ma série THE PERFECTION OF CHAOS (dont beaucoup d’œuvres seront présentées pour la première fois au public), j’explore la notion de chaos et de résilience humaine au travers de mouvements d’eau, de déferlantes de vagues, … Le message est que dans les périodes les plus difficiles de la vie, dans le chaos que l’on peut y vivre, une harmonie peut être présente mais surtout un potentiel incroyable de changement. Observer et traverser ces bouleversements comporte un pouvoir de transformation énorme.

C’est un peu une métaphore de la période que nous vivons tous aujourd’hui finalement. Il faut tenter de voir au-delà de l’agitation, de ce qui peut sembler être un chaos, une fin, pour accéder à ce qui se trouve au-delà. Une autre de mes collections abstraite NINFEA (pas exposée cette fois) nous emmène dans l’univers magique de l’eau dans la cité éternelle. J’ai tenté de retrouver l’eau et la magie des thermes légendaires de Rome, la cité éternelle.

Après tes ouvrages photographiques : “Chasing Bob Marley – A journey to Jamaica” et “Réflections”, ”Elégie et Chants d’Aurore”(Blurb, 2020) ou la nature est protagoniste ainsi que la poésie. Comment ton dernier livre est né et pourquoi ?

« CHASING BOB MARLEY » est un hommage au chanteur pour les 20 ans de sa disparition. Même si le projet initial est plutôt figuratif et documentaire, j’ai travaillé parallèlement à des images qui exprimaient mon propre ressenti lorsque nous sommes partis sur les traces de Bob Marley. Même dans les lieux les plus pauvres de Kingston, les couleurs et l’univers du reggae était un sujet très visuel et magique.

«REFLECTIONS » est un projet d’exploration des univers subtils. Le terme anglais « to reflect » signifie refléter (référence aux reflets) mais aussi réinterpréter. Je me suis focalisé sur les reflets de la réalité pour montrer aux observateurs que si nous adaptons notre manière d’observer, nous réalisons que nous vivons aussi dans une série d’univers parallèles qui nous sont invisibles au premier regard. J’ai utilisé une mise au point spécifique de mon appareil photo pour dévoiler ces « reflets » de la réalité. Interrogeant ainsi la notion de perception et de réel chez l’observateur.

Concernant la genèse de mon recueil de poésie « LES ÉLÉGIES ET LES CHANTS D’AURORE », j’ai pour habitude d’écrire des notes d’intention qui expliquent l’origine de mes recherches artistiques. Lors du processus d’écriture, je me suis peu à peu rendu compte que la forme poétique devenait très présente, initiant ainsi une deuxième phase d’inspiration et de création. La poétique est l’art de faire naître des images fortes qui emmènent le lecteur dans un imaginaire. Mes œuvres ont toujours poursuivi cet objectif.

Dans mes tableaux immersifs, j’essaie de créer des univers poétiques que mes textes approfondissent grâce aux mots. La poésie est aussi un domaine puissant d’exploration, un laboratoire de la langue et de l’image. J’écrivais des notes poétiques depuis quelques temps déjà, le confinement et la crise du COVID-19 sont arrivés et j’ai eu le temps d’approfondir et de formaliser ce recueil.

La thématique générale de l’ouvrage repose sur le pressentiment que j’ai toujours eu sur le fait que nous sommes à une époque charnière, une fin de cycle qui est destiné à ouvrir une nouvelle aire. Ces poèmes font référence à ce qui s’en va (les Élégies), la période d’entre-deux (les Récits du Temps Immobile) et ce qui arrive (les Chants d’Aurore). Dans ces poèmes en prose les images poétiques se mêlent quelquefois à des réflexions philosophiques sur la période que nous traversons. Des fragments de ces textes accompagnent mes œuvres pour encourager l’observateur à poursuivre son voyage intérieur et son questionnement. C’est aussi l’occasion pour moi de lui proposer de nouvelles pistes pour l’emmener en voyage dans des thématiques qui nous concernent tous.

Paola Cairo

“Élégies et Chants d’Aurore”: An exhibition of the artist Gianni Candido @ Mobart Studio Luxembourg

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SOUL QUEST – L’interview 1/2

Quelle est l’origine de ce projet ?

Soul Quest, la quête de l’âme, est un projet qui synthétise les différents aspects de mes 14 années de photographie et de travail artistique. Chaque secteur de mon travail y contribue: mon travail “Bodyworks” m’a permis de travailler la composition, l’usage des couleurs et de la lumière construite en studio, mon travail portrait a ensuite mis un visage sur ces corps que j’ai pris en photo durant 10 ans. Mon projet “Regards de Stars” a mis en face de mon objectif plus de 150 célébrités du cinéma, de la musique ou de l’écriture. Mon travail de reportage artistique m’a quant à lui appris à improviser et à travailler mon regard dans des cadres différents, en adaptation à des lumières constamment changeantes et à un rythme soutenu qui encourage plus de spontanéité.

J’ai commençé mon travail photo sur le corps et la forme, je m’intéresse maintenant au tréfonds de l’âme pour aller y capter ce qui y sommeille.

Au fil de ma démarche, j’ai eu l’occasion de voir comment le travail d’image nous ammène à l’image de soi, et le mouvement intérieur qui en découle.

Se faire prendre en photo est un exercice qui n’est pas toujours comfortable et cela nous ramène souvent à tous les a prioris que l’on a sur soi-même. En psychologie, on appelle cela des distorsions cognitives. Nous ne nous perçevons pas comme nous sommes réellement.

J’encourage donc souvent le modèle à abandonner sa propre perception de lui-même (en tous cas durant la séance) pour essayer de se mettre à la place de celui qui verra son portrait.

En effet, le regard du photographe est souvent plus “juste” que celui du modèle car il est extérieur et plus neutre.

Beaucoup de mes clients attendent donc de moi que je les conseille sur ces différents aspects de l’image et que je les aide à faire ressortir leur essence, leur charisme, les choses qu’ils ont d’unique et qu’ils souhaitent mettre en avant.

L’art du portrait peut devenir une démarche thérapeutique, une invitation à se voir différemment. Souvent avec bien plus de justesse.

Il s’agit donc d’une lente démarche d’apprivoisement entre le modèle et le photographe mais aussi et surtout entre le modèle et sa représentation de lui-même, ses mémoires et ses croyances.

Qu’entendez-vous par âme ?

J’ai toujours été fasciné par le tempérament et la force que diffusent certaines personnes. Je me souviens m’être souvent interrogé à ce sujet lorsque j’étais adolescent et que je sentais en moi une volonté qui me poussait à aller dans une certaine direction. Je ne comprenais pas la nature de cette force mais je ne pouvais l’ignorer. Côtoyer l’innocence des enfants m’a amené à la même conclusion: qu’il y a quelque chose d’inné qui nous met en mouvement. Ainsi donc, deux enfants d’une même famille ont beau recevoir la même éducation, ils n’en sont pas moins différents.

Durant mes séances photos, j’ai pu observer comment des personnes peuvent entrer dans un processus de curiosité vis-à-vis d’eux même, voire parfois dans une quête de soi.

L’outil photographique leur permet de se voir différemment.

Au fil de mon parcours et de mes passions, j’ai ainsi fait l’expérience d’une forme d’identité supérieure que nous possédons et qui peut nous guider dans nos choix, une part de nous qui est plus vaste que notre personnalité ici-bas. Tout mon travail photo est basé sur cette recherche ou en subit les influences.

Mes clients font appel à moi pour se représenter ou pour immortaliser des moments importants de leur vie, observer et traduire en image le perceptible et, quelques fois, l’imperceptible.

Dans ce projet, on ne distingue pas souvent le visage de la personne, pourquoi ?

Dans mon travail artistique, j’ai toujours voulu mettre en image l’universel.

Lorsque l’on identifie clairement le sujet d’une image, le mental du spectateur intervient et interrompt tout le potentiel d’imaginaire.

J’ai eu l’occasion d’observer à maintes reprises le travail de mon inconscient dans le processus de la création d’image. La photographie est un art très spontané qui le permet assez facilement.

Comme l’écriture automatique, le fait de travailler dans la vitesse, sans pouvoir réfléchir, me permet de créer comme un musicien qui partirait en improvisation. D’une certaine manière, le créateur est là sans être là. Il est présent et le processus se fait au travers de lui. Quelque chose de plus vaste peut ainsi s’exprimer. Certains appelleront cela l’inspiration mais il y a aussi beaucoup d’autres manières de nommer cela suivant la perspective que l’on choisit.

— Fin de la première partie. —

Gianni Candido exhibition at Ca' Sagredo - Venezia

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SOUL QUEST – L’interview 2/2

Vos photos ressemblent très fort à des peintures, c’est voulu ?

Tout à fait. Cela rejoint en quelque sorte la notion d’universalité ou plutôt d’intemporalité. J’aime la beauté qui dure, celle qui n’est pas liée à des effets de mode. Pour moi, c’est le temps qui acte une oeuvre d’art réussie. Quand le marketing, les effets de mode et le battage médiatique cesse, que reste t’il ?

J’aime beaucoup les photographes pictorialistes. Léonard Missone (1870-1943) est un de mes préférés. Il fait un travail de lumière magnifique et ses photos sont comme des peintures qui traversent le temps avec beaucoup de grâce. J’avais d’ailleurs retouché le premier jet de ce projet avec une retouche similaire pour lui rendre hommage.

Ce mouvement pictorialiste utilise la photographie pour créer une image plutôt que l’utiliser de manière purement documentaire. On ne s’étonnera donc pas d’y trouver des photos très travaillées tant dans la composition que dans l’usage de la lumière. C’est pour cela que cela peut faire penser à des tableaux composés.

Quelles sont vos influences ?

Mon père étant antiquaire, depuis tout petit j’ai été entouré par des créations qui avaient un style et une âme. On m’a inculqué le goût du travail bien fait et de l’artisanat. J’ai d’ailleurs appris la menuiserie durant mes études secondaires et ai ensuite travaillé avec mon père dans la restauration de meubles anciens durant quelques années. J’ai ensuite décidé de quitter mon Ardennes natale pour aller me former à l’Université Libre de Bruxelles. Après une candidature en journalisme, j’ai étudié ensuite l’analyse et l’écriture de scénario. Toutes ces disciplines, et d’autres de mes passions sont à la genèse de ce projet.

Première influence donc, l’Art Ancien dont bien évidement la peinture avec les maîtres du “Chiaroscuro” comme Caravaggio. J’adore le mouvement romantique et le peintre allemand Kaspard David Friedrich est un de mes préférés pour la mystique et la nostalgie qu’il met en image. La liste des peintres que j’aime est longue mais vous pourrez voir dans Soul Quest des clins d’oeil à John Constable ou encore la peinture flamande avec la symbolique de la fenêtre.

Mes sources d’inspiration contemporaines sont le cinéma et les grands directeurs photo font pour moi partie des nouveaux maitres de l’image. Derrière chaque grand réalisateur se trouve un de ces magiciens de la lumière: Terrence Malick est accompagné d’un Emmanuel Lubezki, Paolo Sorrentino n’aurait pas fait son opéra visuel “La Grande Bellezza” sans son accolyte Luca Bigazzi, Bernardo Bertolucci illumine ses films avec le talent de Vittorio Storaro,…

Ma culture visuelle quotidienne est principalement cinématographique mais je suis toujours surpris de voir comment la peinture classique et sa composition forte reviennent constamment quand je passe en mode photo.

La musique m’accompagne souvent dans mon processus créatif car elle m’inspire une dimension supplémentaire dans la construction de mes atmosphères. Pour Soul Quest je me suis imprégné de musique minimaliste. Ce n’est pas un hasard si les mélodies lancinantes et mélancoliques de Max Richter, la caresse de la trompette d’Ibrahim Malouf ou les motifs musicaux de Yann Tiersen accompagnent tellement de moments de cinéma.

Bien plus que les notes, c’est dans l’art du silence que la maîtrise se démontre.

C’est pour cette raison que la musique minimaliste peut être si inspirante. Dans tous les cas mon âme est nostalgique et elle aime voyager accompagnée de musique. Et il en est de même pour mon processus de post-prodution (le travail de l’image dans mon atelier digital).

D’un point de vue artistique, est-ce qu’une photo a pour vous autant de valeur que la peinture ?

La photographie est un média reproductible à l’infini. A ce titre, si elle veut entrer dans le domaine des oeuvres d’art, il est crucial de faire des séries numérotées et limitées. D’un point de vue technique, il n’y a pas de raison de comparer des formes de créations différentes.

Au delà de l’outil utilisé, le plus important à mon sens reste de travailler sa propre perception, son regard et la vision que l’on met en oeuvre, son style propre. La richesse de représentation sera finalement le reflet extérieur de notre perception intérieure. L’artiste insuffle sa propre sensibilité et son énergie dans son oeuvre.

C’est cette énergie qui va inspirer le public bien plus que la mise en oeuvre technique.

Chez tous les artistes, on assiste tout d’abord à un travail de la complexité et du spectaculaire pour -peut-être- ensuite revenir à une simplicité maitrisée et nourrie de tout le travail accompli.

Vous parlez beaucoup d’énergie et des choses immatérielles dans ce projet , c’est important pour vous ?

Crucial. En effet, pour moi l’inspiration est une écoute. Comment s’ouvrir à la beauté et à la grâce de ce qui nous entoure si nous n’y sommes pas disponibles ?

Il y a une phrase qui dit “Dieu est chuchotement”, pour moi l’inspiration c’est perçevoir et écouter ce chuchotement.

Vous pourrez remplacer le terme Dieu par un autre, la beauté, l’amour, l’univers… C’est la même chose pour moi. Le contact de la transcendance est prière, méditation et création. Quand les gens sont dans le flux, ils s’oublient et entrent dans un processus d’écoute qui les rend disponible à quelque chose de plus grand qui peut alors s’exprimer.

L’artiste dans sa maturité se décentre de lui-même pour s’ouvrir et exprimer quelque chose de plus vaste, son art devient spiritualité.